Le dialogue entre l’histoire de la philosophie et les sciences cognitives est aujourd’hui extrêmement difficile. Ce chapitre cherche à mettre au jour cette absence de dialogue en s’intéressant plus particulièrement au texte L’erreur de Descartes du neurobiologiste Antonio Damasio, tout en ne s’arrêtant pas à un tel constat: rétablir le dialogue entre les deux disciplines semble être possible. En effet, pourquoi ne pas tenter de renouer le dialogue en dressant le portrait robot du Descartes construit par le neuroscientifique, plutôt qu’en cherchant uniquement à montrer que le Descartes dont parle Damasio ne coïncide pas avec les thèses cartésiennes elles-mêmes? Cela permet de révéler deux choses: d’abord, que Damasio, à travers son anti-cartésianisme, construit de toute pièce la figure d’un Descartes qu’il rejette; ensuite, que malgré cet anti-cartésianisme revendiqué, les thèses de Damasio apparaissent paradoxalement bien plus cartésiennes que ce qu’il pouvait penser. Somme toute, il s’agit de lire la démarche de Damasio comme un mécanisme d’abâtardissement: créer puis rejeter une figure de Descartes à la croisée de la science et de la philosophie.